Rencontre – Catherine Rétoré

Enseignante permanente à l’ESAD, Catherine Rétoré transmet ses techniques de respiration aux acteurs des trois promotions de l’École.

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La pratique  que je dispense au sein de l’Esad repose sur la maîtrise respiratoire et fait le lien avec la présence vocale et physique. Cette gymnastique respiratoire a un lien direct avec la spontanéité et la sincérité pendant  l’interprétation car c’est une gestion tranquille de l’effort . L’effort peut être sur un texte, sur une chanson ou simplement sur le fait d’être là. L’effort dans la détente. La détente est essentielle pour avoir cette sensation que la personne ne fait rien alors qu’elle est très attentive et mobilisée. Pour accéder à cette détente, sa ventilation doit être fluide et s’appuyer sur un ancrage.

Pendant nos séances de travail, nous remettons en place des appuis qui ont souvent disparu pendant l’éducation. Des jeunes gens ont passé des années dans des attitudes effondrées, des respirations courtes. Grâce à ce travail , elles se reconstruisent.

Comment as-tu acquis ces pratiques ?

Cette méthode a été mise en place par Madame Sandra, qui était une ancienne chanteuse et qui s’est aperçu des problèmes de voix des chanteurs autour d’elle. Elle a analysé les comportements respiratoires des différentes personnes et en a fait une méthode.

J’ai été initiée à cette méthode par un de ces élèves, Jean-Pierre Romond, que j’ai rencontré au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de les transmettre ?

Dès lors que je me suis rendu compte que beaucoup d’enseignements que j’avais ne répondaient pas totalement aux questionnements que je me posais. Cette pratique a fait en moi un choc quand je l’ai rencontrée et j’ai eu envie de la transmettre car c’est un savoir faire qu’il ne faudrait pas oublier. Cela s’est fait tout seul, les élèves sont venus, il y a une rencontre autour d’un apprentissage commun, je travaille auprès d’eux , ensemble nous comprenons des choses à chaque séance. Je suis heureuse d’être habitée par ce travail, il éclaire le quotidien, il impose une vérité au théâtre, une exigence qui nous fait du bien à tous.

Y a-t-il des maux récurrents que tu rencontres auprès des étudiants ?

Souvent les voix sont éteintes, le dos démobilisé, le ventre méconnu, la respiration courte, étriquée.
Des peurs s’installent parfois, souvent inconscientes, pendant des années, des comportements agités deviennent comme des secondes natures.

De nombreux jeunes gens sont démusclés, raides, décentrés, ils peinent à maintenir une attention tranquille, ils méconnaissent  leur respiration, ils manquent de condition physique. Leur voix doit gagner en envergure, ils doivent comprendre intimement que la puissance n’est pas du forcing, ils doivent avoir accès au fin du fin, c’est à dire à la délicatesse dans toutes ses nuances autant dans le timbre que dans l’intensité, alors seulement leur interprétation mûrira, s’approfondira. Tant que ce travail de fond n’est pas abouti, il y a beaucoup de malentendus entre le metteur en scène, le chorégraphe et ses interprètes. Les indications qui sont données en répétition ne sont pas toujours bien comprises, parce que le comédien ne maîtrise pas suffisamment l’instrument .

Des conseils que tu peux donner ?

Durant mes cours, je leur demande beaucoup, je leur demande le meilleur d’eux-mêmes. Concrètement, je leur demande de souffler sur l’effort d’une façon généreuse et tranquille, de gérer cette expiration, de la magnifier. Il y a toutes sortes de positions, de temps où la personne se mobilise, il faut que l’intérieur soit délié avec des appuis qui permettent un souffle libre. Cela paraît simple à dire mais c’est difficile à faire et cela se voit tout de suite.

Il faut apprendre ce que l’on savait quand on est arrivé au monde et que insidieusement, inconsciemment on a oublié et perverti : Cette méthode permet de replacer l’individu dans une pratique physiologique. Le texte, le chant, l’état intérieur doivent être portés par une expiration fluide.

À la fin d’une séance les étudiants ont les mains et les pieds chauds : nous avons touché à la circulation sanguine.

Ils sont calmes, moins émotifs et donc attentifs : nous avons touché au système nerveux.

Nous avons accès également à tout le système digestif, au système immunitaire, les muscles auxiliaires du diaphragme massent les viscères et les vaisseaux lymphatiques de l’abdomen.
Toutes les fonctions physiologiques sont en relation avec la fonction respiratoire.

L’étude de cette mécanique est complexe, elle nous demande une écoute subtile : elle nous rend intelligents.

La respiration physiologique renforce les appuis internes, le socle, elle soulage certaines parties plus fragiles du corps comme les articulations, les cordes vocales ou certains organes vitaux comme le cœur  qui peuvent se blesser à la longue. Si les appuis internes sont solides et souples, si la respiration  accompagne l’engagement, l’interprète  est dans un processus d’épanouissement, il devient confiant et créatif. Si le dos est solide, le ventre présent, la personne est ancrée, elle peut éviter ou mieux assumer les incidents de parcours dans cette vie artistique  difficile. Ancrée, la personne dégage le haut , c’est à dire le cérébral qui entrave souvent l’interprétation directe.  Ce travail permet une remise en ordre. Nous devons nous interroger sur notre comportement dans notre vie quotidienne, ce n’est pas une petite affaire mais à doses homéopathiques, la personne peu à peu se reconstruit d’une façon profonde et sincère.

Ce que j’aime aussi dans cette pratique , c’est que cela va au delà de moi. Cette pratique est un véhicule que je remets aux étudiants, ils deviennent indépendants, se prennent en charge et avancent.

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